Le site des Courroies, au sud de Nîmes, est une fenêtre ouverte sur la rive droite du Vistre. Le projet d’aménagement porté par SM EPTB Vistre-Vistrenque implique le creusement d’un nouveau lit du fleuve en méandre. La prescription émise par le SRA Occitanie s’étend sur une superficie de 5000 m², tout en respectant la côte d’aménagement des futures berges. Les objectifs de la fouille étaient orientés vers la caractérisation chrono-culturelle de l’espace occupé aux différentes époques identifiées durant le diagnostic (Escallon et al. 2018). Cette fouille devait définir l’organisation spatiale des vestiges et leur insertion stratigraphique. Le volet paléoenvironnemental, dans un contexte alluvial, devait également essayer de définir l’évolution du paysage et d’identifier l’impact de l’homme au fil du temps.
Plus d’un tiers de l’emprise est situé à l’emplacement de deux anciens chenaux du Vistre : le chenal 1 et le chenal 2. Le substrat est composé d’un limon jaunâtre altéré rattaché à la fin du Pléistocène ou au Tardiglaciaire. Il est incisé par le chenal 1 dont la mise en place s’opère au cours de la première moitié de l’Holocène. Le second chenal localisé à l’est et sud-est de l’emprise est relativement récent, postérieur à l’âge du Bronze et antérieur à l’Antiquité tardive, emportant avec lui tous les vestiges de ce secteur.
La lecture stratigraphique de l’insertion des vestiges fut fortement impactée par une pédogénèse qui affecte l’ensemble des niveaux sédimentaires inférieurs couplée à des crues et des phénomènes phréatiques, qui ont également rendu les limites de creusement des structures illisibles.
Malgré ces facteurs environnementaux, plusieurs dizaines de structures à galets chauffés ont été découvertes, réparties sur une large moitié nord et ouest de l’emprise. Deux de ces foyers et une fosse appartiennent au milieu du VIIIe millénaire. Ce Mésolithique est daté uniquement grâce aux C14 car aucun mobilier n’a été découvert pour cette période. Ces vestiges sont les témoins d’une fréquentation humaine des bords du Vistre. Les données environnementales attestent vraisemblablement de la présence d’espèce aquatique au niveau malacologique et de la présence d’une chênaie à feuillage caduc (malacologie et anthracologie), à l’image de ce qui est connu dans la plaine nîmoise à cette époque. Un troisième foyer à pierres chauffées est daté du Néolithique moyen interdisant d’une part, la possibilité d’attribuer toutes les structures foyères de l’emprise au Mésolithique et attestant, d’autre part, d’une occupation entre 3900 et 3700 BC. En l’absence de mobilier il s’agit de la seule structure attribuée à cette période sur le site. En revanche, les données paléoenvironnementales attestent pour cette époque d’un débit fluviatile plus lent du chenal 1, avec un colmatage progressif qui tend à s’accélérer durant le Néolithique final. Elles offrent une lecture de l’ouverture du milieu avec la formation d’herbacées humides, faiblement marécageuses et de formations ouvertes plus sèches.
Au début du bronze ancien, entre 2200 et 2000 BC, alors que le chenal 1 est colmaté au niveau de l’emprise, se décalant probablement vers le sud, une dépression laissée par l’ancien chenal et deux bourrelets de berges conserve une importante zone détritique du Bronze ancien, préservée grâce à une sédimentation plus active. Sur 40 m² environ plusieurs milliers d’artefacts du quotidien des hommes de cette période ont été reconnus, attestant d’activité artisanale. Le mobilier met un avant un Bronze ancien à faciès épicampaniforme. Cependant, des éléments du Campaniforme rhodano-provençal sont également présents. Tous les éléments se distribuent indifféremment dans le dôme de mobilier et la céramique affiche des taux de fragmentation significatifs permettant d’émettre l’hypothèse d’un rejet massif, déjà partiellement fragmenté. La présence d’éléments campaniforme rhodano-provençal est probablement à mettre en relation avec le site de Moulin-Villard qui évolue directement au sud-est de l’emprise des Courroies et dont le comblement supérieur de l’un de ses fossés se compose de vestiges de cette période (de Feitas et al. 1990/1991). L’ouverture de l’environnement se maintient au Bronze ancien et l’hypothèse d’une économie essentiellement pastorale est émise à partir des différentes données archéologiques et environnementales.
Pour finir, avec la mise en place du chenal 2 à l’est du site, un fossé chenalisant traversant le site d’est en ouest a été découvert. Il alimente un coursier de moulin antique constitué de gros blocs monolithiques, certainement des éléments d’un bâtiment en réemploi.
Au terme de l’étude, la fouille du site des Courroies illustre à quel point les bordures du Vistre étaient attractives, malgré les contraintes fluviatiles. Elle révèle l’existence d’une chênaie au milieu du Mésolithique qui disparaît au profit d’une ouverture du milieu au Néolithique moyen pour une mise en pâturage des abords du fleuve côtier. Cette ouverture et l’assèchement de son environnement a perduré jusqu’à aujourd’hui.
INTERVENANTS :
Aménageur : SM EPTB Vistre Vistrenque
Prescripteur : DRAC – SRA Occitanie
Opérateur : Paléotime
AMÉNAGEMENT :
Déplacement et réaménagement du cours du Vistre
LOCALISATION :
RAPPORT FINAL D’OPÉRATION :
Référence bibliographique :
LAROCHE M., RUÉ M., RECCHIA-QUINIOU J., FURESTIER R., BOULBES N., CHATEAUNEUF F., MAGNIN F., TILLIER M., LOTTIER L., GARNIER N. et AJAS A. – Le site des Courroies – Revitalisation du cours du Vistre (Nîmes, Gard), Rapport final d’opération, SRA Occitanie, Paléotime, Villard-de-Lans (Isère), 2023, 484 p.