L’opération de Cognac « Fief aux Dames » s’est déroulée du 10 octobre au 11 novembre 2022. Le décapage a été réalisé sur 85 m de longueur, conformément à l’emprise et au cahier des charges initial, sur 10 m de large (Photo 1). En moyenne, la profondeur de décapage se situe à 1,10 m. Le volume excavé est d’environ 980 m3. Au terme de l’opération de fouille, 2856 objets ont été récoltés lors du décapage mécanique et topographiés. Les tests manuels ont permis de récolter près de 300 objets supplémentaires.
La stratigraphie présente un dépôt de pente alimenté par le substrat calcaire santonien et préservé préférentiellement sur le haut de versant de la combe des Dames. Les faciès de dépôt sont symptomatiques d’apports de versant mis en place en contexte périglaciaire, notamment par la cryoclastie et la solifluxion (grèzes litées) et le ruissellement (lentilles de sables bien triés). Deux principales unités constituent la base de cette séquence (Photo 2) :
– au sommet, un dépôt à matrice sablo-limoneuse blanchâtre, plus grossier et lité dans sa partie inférieure (unité Ls), surmonté au nord du site par une unité Bt brune indurée ;
– à la base, au contact avec le substrat, un dépôt à matrice sablo-limoneuse orangée (unité Lb).
Le niveau archéologique s’insère dans cette partie basale de la séquence stratigraphique (unité Lb principalement, puis plus sporadiquement dans les unités Ls et Bt au nord de la tranchée). Par ailleurs, un certain nombre d’éléments sont présents dans la terre végétale. Ceux-ci ont fait l’objet d’un échantillonnage pour étude taphonomique. En l’état, et d’un point de vue strictement technique et chronoculturel, le mobilier récolté dans la terre végétale semble issu du même ensemble moustérien.
Le mobilier issu des unités Lb/Ls/Bt semble à première vue homogène, tant du point de vue des états de surface (patines blanches fortes, esquillements sur les bords, arêtes émoussées, gélifraction intense) que d’un point de vue technique, notamment sur les nucléus et les éclats de plein débitage caractéristiques (présence d’une composante Levallois importante – Photo 3). La quantité de nucléus (notamment les nucléus peu investis) et la surreprésentation des éclats corticaux indiquent que la série est issue d’un site de production, il n’y a quasiment pas d’outils. Ces éléments techniques permettent de confirmer l’attribution chronoculturelle de l’ensemble au Moustérien au sens large.
Les tests de tamisage montrent que la fraction fine a disparu. Le tri granulométrique du mobilier est donc marqué. Conjugué aux états de surface et à la mise en place probablement récente des sédiments, il semble que la série retrouvée au « Fief aux Dames » soit en position secondaire.
La fouille et l’étude du site présentent néanmoins un double intérêt, à la fois chronostratigraphique – en offrant la possibilité de caler plus précisément dans le temps la période de formation de ces grands déserts caillouteux périglaciaires au Dryas – et taphonomique, en permettant d’alimenter le référentiel des outils communément utilisés pour l’étude des nappes de mobilier (états de surface, granulométrie lithique, distribution spatiale, etc.) et qui manque encore de données dans ce type de contexte singulier (série lithique déplacée et triée sous l’effet conjugué de la solifluxion et du ruissellement).