Le site de Latrote se trouve sur la commune de Saint-Gein, à l’est du département des Landes, à mi chemin entre Mont de Marsan et le département du Gers. Situé en rive droite de l’Adour, dans le bassin du Ludon, à 120 m altitude, son implantation à l’extrémité orientale d’une longue butte témoin argileuse d’âge miocène confère au site une position dominante dans le paysage.
Placé sur le Tracé de la future autoroute A65 reliant Pau à Langon, il fut soumis à une fouille préventive qui se déroula au cours de l’été 2009. L’intervention fut essentiellement mécanisée sur une surface de 5 000 m². Celle-ci fit l’objet d’un décapage horizontal extensif couplé à une approche verticale via la réalisation de grands transects stratigraphiques. Des secteurs de fouille manuelle (8 m²) et des tests de tamisage permirent de compléter l’approche géoarchéologique.
Le mobilier archéologique est intégré dans la partie supérieure d’une pédoséquence sablo-limoneuse condensée qui résume en deux mètres la fin du Tertiaire et le Pléistocène. Le substrat est composé des formations miocènes des sables fauves puis des glaises bigarrées (UPS 5). Celles-ci sont surmontées d’un pédocomplexe brun correspondant à un paléosol argilique dégradé (UPS4 et 3) qui est fossilisé par la formation éolienne des sables des Landes (UPS2 et 1). Le mobilier archéologique s’inscrit dans un horizon B du pédocomplexe brun.
Les données issues des études stratigraphiques et spatiales par projection du mobilier et des remontages vont dans le sens de remaniements mais de façon non uniforme sur l’ensemble du site fouillé. L’étude microstratigraphique confirment ces données et montre qu’il n’y a pas de niveau de sol conservé. Elle atteste de perturbations post-dépositionnelles de l’ensemble archéologique, notamment par la mise en thixotropie du sol, mais souligne aussi la difficulté de quantifier son degré de remaniement.
L’industrie lithique est donc en position remaniée, ce qui paradoxalement n’est pas confirmée par son état de conservation général. La patine post-dépositionnelle est rare (absente à 74%), les processus mécaniques post-dépositionnels sont très peu marqués (aucune trace à 60%) et les macro et micro-traces d’usages sont bien préservées. Il est probable que le mobilier archéologique ait connu un enfouissement rapide puis des déplacements (colluvionnement ou solifluxion) de faible ampleur et non homogènes sur l’ensemble de l’emprise.
Ce mobilier est composé de près de 2 400 pièces lithiques constituant plus de 330 kg de matériau. Le spectre des ressources minérales utilisées est plutôt large mais dominé par les quartzites (49%) et les silex (44%). Les silex ont été introduits sous forme de blocs/galets depuis des sources d’origine voisine (20-30 km) et plus rarement locales (2,5 km). Ces blocs ont été exploités sur place par le biais de diverses méthodes dominées par le débitage discoïde unifacial. Le quartzite, de provenance locale, est le matériau dominant. Les chaînes opératoires de production sont entièrement représentées sur le site et sont illustrées par des débitages variés, majoritairement sur enclumes et discoïdes et par le façonnage d’outils sur galets et de bifaces. Les autres matériaux issus des mêmes zones de collecte que les quartzites (terrasses ou lit de l’Adour) sont des quartz et divers matériaux siliceux (lydiennes) ou non (granites, schistes…). L’utilisation d’un matériau particulier est attestée par la présence de grès ferrugineux qui ont fait l’objet à minima d’une acquisition et d’un transport sur site.
Un schéma territorial du sol complexe ressort des études pétrographiques et techno-économiques. Il est marqué par des axes de circulation depuis le sud et le piedmont pyrénéen mais n’ignorant pas le domaine minéral des rives de la Garonne au nord.
Une étude fonctionnelle, menée sur un petit corpus de silex met en évidence des activités préférentiellement tournées vers le traitement des carcasses et le travail de la peau.
Les critères techno-typologiques, dates et axes de circulation plaident en faveur d’un rattachement de l’assemblage archéologique de Latrote au techno-complexe moustérien à hachereau jusqu’alors limité au Pays basque (Pyrénéens atlantiques). Une série de datations (OSL, TL) place cette occupation au stade isotopique 3. Une « pollution » localisée et très limitée (quarantaine de pièces) est néanmoins avérée par une fréquentation rapportée au Paléolithique supérieur.