L’emprise de fouille est située dans le département des Pyrénées-Atlantiques (64), en marge du diffuseur autoroutier A65 Pau-Langon. Elle s’inscrit sur un vaste plateau dominant la vallée du Lées, quelques kilomètres au nord-ouest du village de Garlin. Ce plateau correspond à une haute terrasse alluviale (Fv) d’âge Pléistocène inférieur, apparaissant à environ 3 m de profondeur et recouverte par une couverture de limons lœssiques colluvionnés, d’épaisseur métrique. Ces limons lœssiques ont enregistré postérieurement à leur dépôt les principales phases pédoclimatiques pléistocènes : formations d’horizon argilique (Bt), cryoturbation et érosion (réseau de fentes polygonales, troncature des horizons Bt).
La fouille a été réalisée à l’initiative de la Société d’Équipement des Pays de l’Adour (SEPA), dans la cadre du projet de création d’une zone d’activité économique inter communautaire (ZAEI) dite « Parc d’activités du Nord Béarn ». Le diagnostic de l’emprise du projet a mis en évidence des vestiges d’industrie lithique attribuables au Paléolithique ancien et/ou au Paléolithique moyen, qui s’inscrivent dans une séquence pédo-sédimentaire semblable à celles décrites lors des opérations préventives sur le tracé de l’A65 notamment (sites de Duclos à Auriac, Romentères, Bénazit, Septsos…). Du mobilier avait été découvert sur une grande partie de l’emprise du diagnostic mais le secteur du sondage 174 a été préférentiellement choisi pour la réalisation d’une fouille archéologique sur l’emprise d’un bassin de rétention d’eaux, sur une superficie d’environ 2700m².
Les principaux objectifs de la fouille se sont axés sur l’établissement d’un cadre chrono-sédimentaire détaillé ainsi que la constitution d’un assemblage d’industrie lithique suffisant pour établir une diagnose techno-culturelle, et éventuellement se prononcer sur un possible mélange chrono-culturel. Une première phase du terrain a donc été consacrée à l’étude pédo-sédimentaire de la séquence stratigraphique, avec la réalisation d’une coupe continue est/ouest dans l’axe médian du bassin afin d’observer la séquence dans son développement maximal. Plusieurs sondages profonds ont ainsi été réalisés par paliers le long de cette tranchée centrale, avant de procéder au décapage mécanique extensif de l’emprise.
Les vestiges mis au jour sont essentiellement localisés dans les limons qui supportent le Bt supérieur, aux environs de 0,80 m de profondeur et ce jusqu’à parfois 1,40 m. Le mobilier recueilli est quasi-exclusivement confectionné sur galets de quartzite (608 pièces). Il est marqué par la prédominance des chaînes opératoires de débitage sur celles de façonnage qui sont seulement attestées par quelques hachereaux et bifaces. Le débitage est de type discoïde, unifacial surtout, mais aussi bifacial partiel (40% des nucléus). On note aussi la forte présence de nucléus débités frontalement sur enclume (47%). L’outillage est rare, peu défini typologiquement pour l’outillage retouché (denticulés, racloirs…), la part de l’outillage lourd et façonné y est relativement importante (galets aménagés, grands éclats tranchants, bifaces, hachereaux…). Les témoins de débitage en silex sont en revanche extrêmement rares (9 objets).
A Garlin, l’approche taphonomique montre que le mobilier recueilli a été fortement impacté par les processus géomorphologiques. Pris dans son ensemble, il correspond à un taphofaciès sensu Bertran et al. 2012, ce qui limite son exploitation archéologique. Ce constat rejoint d’autres résultats obtenus sur les sites de l’A65 situés en contexte lœssique.
La configuration spatiale de la nappe de mobilier lithique plaide ainsi en faveur d’un épandage archéologique qui s’est constitué en plusieurs phases de dépôt, mêlant probablement occupations in situ et mobilier érodé. Elle implique alors qu’une lecture archéologique du plan de répartition spatiale des objets lithiques est illusoire, hormis peut-être la reconnaissance de quelques concentrations lithiques partiellement conservées.
Nous sommes donc sans doute en présence de plusieurs ensembles taphonomiques, voire d’un mélange d’industries. L’homogénéité des états de surface et la cohérence techno-économique ne permettent malheureusement pas d’en dire plus, si ce n’est que des témoins d’occupations contemporaines à l’échelle du techno-complexe peuvent se trouver mêlés au sein de cette nappe. Les deux concentrations résiduelles mises en évidence livrent cependant vraisemblablement du mobilier post-éémien, ce qui est en contradiction avec l’âge supposé de l’ensemble lithique, dont la lecture techno-typologique plaide en faveur d’une attribution à l’Acheuléen pyrénéo-garonnais. Tous les marqueurs technologiques et typologiques, objectifs et modalités du débitage, ainsi que l’économie des matières premières, décrits comme caractéristiques de ce faciès chrono-culturel, se vérifient en effet à l’examen de l’industrie collectée. Or, si l’on considère la position stratigraphique de la nappe d’objet, dont une partie au moins pourrait être considérée en position géologique primaire ou sub-primaire, l’industrie est alors plus récente d’au moins un interglaciaire d’après la pédostratigraphie et les dates OSL obtenues. Si l’industrie recueillie à Garlin n’est pas un Acheuléen pyrénéo-garonnais en position secondaire, elle pourrait alors correspondre à un faciès particulier (culturel ? fonctionnel ?) du Moustérien.
Le site de Garlin, fouillé sur une emprise réduite, victime d’une histoire post-dépositionnelle complexe, pose ainsi plus de questions que de réponses. Il contribue néanmoins à alimenter le débat de l’attribution de séries lithiques sur quartzite à des périodes anciennes à très anciennes de la Préhistoire du Sud-Ouest de la France. Il faut espérer que la poursuite de l’étude des états de surface des industries sur quartzite et de leur confrontation avec l’âge des paléosols où elles ont été collectées, comme dans le cadre du projet « Taphonomie des sites pléistocènes du piémont pyrénéo-garonnais » (M. Rué et P. Fernandes, Paléotime), apportera de nouveaux éléments de réponse. Gageons également que de nouvelles prescriptions et fouilles archéologiques dans ces limons des BT1 et 2 apporteront de nouveaux éléments stratigraphiques et taphonomiques qui aideront à mieux appréhender le calage chrono-stratigraphique de ces industries.