Camps de Prats (Bayonne, Pyrénées-Atlantiques)

Niveaux paléolithiques :
Le site de Camp de Prats se trouve sur le plateau de Saint-Pierre d’Irube, en bordure d’un vallon d’orientation SO/NE vers l’Adour. Le substrat tertiaire marno-calcaire est recouvert d’une épaisse couche d’alluvions anciennes. Les datations OSL effectuées indiquent que la séquence de dépôts surmontant la terrasse se met en place après le dernier interglaciaire (Eémien, MIS 5e de 109 à 124 ka). Une première séquence (Ensemble 2) débute avec des dépôts sableux qui recouvrent la terrasse au cours de la deuxième moitié du stade 5 (OSL entre 100,7 ± 6,1 ka soit MIS 5d et 71,7 ± 4,8 ka, MIS 5a). Le sommet de la séquence stratigraphique de cet ensemble se met probablement en place au cours du stade 4. Le site est ensuite recouvert d’une séquence limono-sableuse colluvionnée (Ensemble 1) contenant la plupart des vestiges lithiques. L’unité basale (UPS 4) est datée du milieu du stade 3 (44,3 ± 2,4 ka). Les unités sus-jacentes (UPS 3 et 2), malheureusement non datées et probablement issues de remaniements (colluvionnement, ruissellement), se mettent en place après cette date et les sédiments sont marqués par un réseau polygonal de fentes de gel qui indiquent le maximum glaciaire du stade 2. La séquence se termine par des dépôts qui supportent la pédogénèse holocène (UPS 1).

La plupart des différents outils taphonomiques indiquent des remaniements de l’épandage de mobilier archéologique. L’hypothèse de niveaux remaniés issus d’un ensemble sédimentaire initial (UPS 4) est appuyée par l’homogénéité technique de l’industrie retrouvée dans toutes les unités 2, 3 et 4 et les remontages. Le site de Camp de Prats contient donc deux niveaux du Paléolithique moyen. Le premier, au sommet de l’Ensemble 2 (UPS 5), est à rapporter au stade 4. Le second, qui s’insère dans quasiment toute la séquence stratigraphique de l’Ensemble 1 (UPS 2, 3, 4), est à rapporter au milieu du stade 3. Considérant le caractère remanié du sommet de cette séquence, quelques très rares pièces manifestement issues d’industries plus récentes (Paléolithique supérieur) s’insèrent dans ce niveau. Le Néolithique apparaît uniquement dans les dépôts supérieurs non affectés par le réseau polygonal (UPS 1).

Comme attendu, le site de Bayonne « Camp de Prats » constitue un nouveau point de référence et de comparaison pour la connaissance des occupations du Paléolithique moyen récent régional. Si à l’image des sites du même type fouillés récemment sur le plateau, plusieurs niveaux ont pu être individualisés, ils bénéficient malheureusement de conditions de conservation bien moins favorables. Le niveau Moustérien inférieur, situé au sommet de l’Ensemble 2, est rapporté au MIS 4. A peine abordé dans le cadre cette opération préventive, et bien que n’ayant livré que quelques pièces, ce niveau semble correspondre au niveau dit PM2 des sites de du Prissé et du Chemin de Jupiter.

Le niveau principal est à rapporter à un Moustérien récent, au milieu du stade 3 (44,3 ± 2,4 ka). Il se caractérise par la prépondérance de la chaine opératoire de débitage sur silex, principalement conduite sur site, et essentiellement Levallois, dans sa modalité centripète. Les supports sont souvent laissés bruts, l’outillage retouché est largement dominé par les racloirs. La part d’objets exportés est difficile à appréhender. Cette chaine opératoire principale est accompagnée d’un façonnage bifacial sur silex, pour partie réalisé in situ également, et d’un débitage occasionnel et plus expédient sur quartzite et ophite, couplé à du macro-outillage (pic, galet à chant épannelé…), des hachereaux, du matériel de percussion et des manuports. Il s’en distingue donc des niveaux PM1 précédemment fouillés nettement par une prédominance du concept Levallois sur le Discoïde, et par extension l’absence manifeste de production tournée vers l’obtention de pointes pseudo-Levallois, pourtant caractéristique de ceux-ci. Cette empreinte Levallois ne semble néanmoins pas totalement isolée au niveau local puisque également attestée pour le niveau PM0 du Prissé, lui aussi rapporté au milieu du stade 3. Malgré cette particularité, le niveau principal de Camps de Prats s’inscrit pleinement dans la variabilité du Moustérien récent de type Vasconien.

Ouvrage défensif contemporain :
La levée de terre, étudiée dans le cadre de ce rapport, est associée à l’organisation défensive extérieure de la place forte de Bayonne au XIXe siècle. Elle s’étend le long de la limite ouest/sud-ouest de l’emprise de fouille et se prolonge au nord hors de l’emprise. Au sud/sud-est, son tracé est détruit lors de l’installation de la maison de retraite en 1965. Ainsi, la structure présente un plan en ligne brisée, d’orientation nord-sud, visible sur 57 m, puis nord-ouest/sud-est, visible sur 28 m.

Au préalable, l’étude a débuté par la réalisation d’un relevé photogrammétrique par drone permettant d’établir un modèle numérique de terrain géoréférencé, dans le but d’enregistrer la géométrie de la structure. Par la suite, des sondages réalisés perpendiculairement à la levée de terre ont permis d’obtenir des données inédites sur l’architecture de cette structure, tout en précisant la chronologie de sa construction. Enfin, une étude historique et archivistique a pu mettre en perspective les découvertes archéologiques dans le contexte militaire de la ville de Bayonne aux XVIIIe et XIXe siècles.

Les résultats de l’étude révèlent deux états de construction, aussi rapides que brefs, réalisés à partir de matériaux environnants. Le premier correspond à l’édification d’une lunette entre 1793 et 1795, composée d’un rempart en terre, observé sur 2,60 m de hauteur maximale. Ce dernier présente des indices de l’existence d’un parapet et d’une banquette de tir. Le tracé de cet ouvrage semble s’interrompre au centre ouest de l’emprise, entre deux sondages.

Le second état, qui chemise le premier, correspond à l’occupation la mieux documentée. Il correspond à la restauration et la transformation de la lunette en ouvrage à cornes entre juillet et décembre 1813. Ce réaménagement s’inscrit dans le programme urgent de remise en état du camp retranché autour de la place forte de Bayonne, alors que les troupes napoléoniennes se replient progressivement d’Espagne depuis la défaite de Vitoria, le 21 juin 1813. Le rempart en terre est rehaussé sur l’ancien et présente un chemin de ronde dont le défilement est assuré par une palissade, aujourd’hui disparue.

Ce type de positions extérieures n’ont eu finalement que peu d’impacts dans cette campagne, puisqu’elles sont majoritairement désertées par les soldats napoléoniens avant le siège de Bayonne (février-avril 1814). L’ouvrage à cornes du Camp de Prats, bien doté si l’on considère sa construction rapide, ne s’est jamais retrouvé au cœur d’une bataille. Par la suite, la servitude militaire, qui pèse sur le terrain jusqu’au début du XXe siècle, lui permit de conserver fidèlement son état et de laisser durablement son empreinte dans le paysage. Les aménagements relatifs à la construction de la maison de retraite Bichta Eder en 1965 remodèlent la topographie du terrain.