En 1982, Michel Dubar a découvert, à 500 m de la zone diagnostiquée, plusieurs vestiges osseux dont un humain, dans un horizon noir localisé entre deux cailloutis alluviaux. La datation de charbons associés aux vestiges à donné -45 ka +/- 4000 BP. Selon M. Dubar, cela permettait « d’attribuer très vraisemblablement le fragment d’ulna découvert à un néanderthalien » (Dubar 2008). Cette découverte, proche des Chalus, a en partie motivé la prescription de fouille se rapportant au Paléolithique moyen. C’est ainsi que dans la perspective d’agrandissement de la ZAC des Chalus à Forcalquier, un diagnostic a été entrepris par l’INRAP en 2010 sur 5,5 ha. Une occupation du Bronze ancien et du Néolithique a été décelée, de même que des indices de présence du Paléolithique moyen sous la forme de quelques éclats et d’un nucléus Levallois. La prescription de fouille a porté sur deux locus : un locus Néolithique-Bronze ancien et un locus Paléolithique moyen. C’est ce dernier qui fait l’objet de la présente notice. L’objectif initial était de définir, de dater et de caractériser la présence d’une éventuelle industrie lithique de la culture moustérienne en stratigraphie et d’en définir le contexte taphonomique et paléoenvironnemental.
Pour ce faire, trois tranchées (TR01, TR02, TR03) de 4 m de large ont été ouvertes sur un linéaire total de 105 m, soit 420 m². L’orientation et l’implantation de ces tranchées a été commandée par la présence d’un « sol noir » sous l’humus de surface formant une dépression chenalisante. La profondeur de celles-ci a atteint localement 4,50 m sans que la base des limons argileux noirs inférieurs n’ait été atteinte dans ces grandes coupes stratigraphiques qui ont été soigneusement rectifiées, photographiées et documentées.
Schématiquement, la stratigraphie comprend 2 gouttières majeures : la gouttière supérieure et la gouttière inférieure. Ainsi on distingue, de bas en haut :
– des sables/argiles lités jaune-vert correspondant au substratum miocène ;
– des horizons épais noirs argileux/sableux en comblement de dépressions (phases 1-4) ;
– des lits de cailloux et de sables correspondant au comblement d’anciens chenaux (phases 5 et 6) ;
– un horizon limono-sableux supérieur brun surmonté par la terre végétale (phases 7 et 8).
La gouttière supérieure
Le comblement de la dépression supérieure forme en surface une large nappe brun foncé d’orientation principale ouest-est se dilatant jusqu’à 1,50 m au centre et diminuant jusqu’à l’épaisseur de la terre végétale aux extrémités sur environ 0,35 m, pour une largeur d’environ 50 m de large. En développement, les extrémités de ce chenal ne sont pas connues. Ce comblement supporte le sol brun holocène. Une datation radiocarbone effectuée sur un charbon de chêne caducifolié de cet ensemble a donné la date 3510 +/-35 BP. Afin de préciser cette datation Néolithique final-Bronze ancien, nous avons entrepris une fouille planimétrique de 150 m² à l’emplacement de sa plus forte épaisseur, y pratiquant 3 sondages de 2 m² chacun. Une partie du sédiment excavé a été tamisée à l’eau sur maille 2 mm. La surface totale ouverte est alors de 570 m². L’objectif était de recueillir des informations d’ordre culturel autorisant des projections spatiales de mobiliers et d’éventuelles caractérisations.
L’étude de la courte série lithique comporte 311 objets. Ceux-ci sont relativement mal conservés et seuls 52 ont pu faire l’objet d’une attribution culturelle, livrée ici avec prudence. Dans l’horizon supérieur brun, une occupation néolithique est avérée, en grande partie perturbée par les travaux des champs (13 objets). On peut associer à cette présence quelques fragments de céramique très érodés. Un pôle à caractère laminaire, attribuable au Paléolithique supérieur au sens large semble être également présent (26 objets) et enfin, nous n’avons pas décelé d’éléments lithiques attribuables au Paléolithique moyen à caractère Levallois ni dans le sol brun supérieur, ni dans les sédiments argilo-sableux noirs inférieurs, et ce, malgré la présence d’un petit corpus lithique très patiné et altéré, détonant du reste de la série. Une série lithique d’aspect comparable associée aux vestiges néolithiques, exhumée et confiée par l’équipe de Chronoterre archéologie, ne montre pas non plus d’éléments attribuables au Paléolithique moyen à caractère Levallois. Ce mélange chronoculturel interdit toute approche spatiale.
La gouttière inférieure
Concernant les horizons profonds bruns à noirs, des informations croisées d’ordre sédimentologique, botanique et zoologique sur les quatre phases majeures du remplissage du chenal semblent rapporter l’ensemble aux stades isotopiques 4 et 5. Ce comblement est en partie de nature aquatique et semble s’être opéré sous un climat de type « tempéré frais ».